Votre Grâce,

Ceci est le rapport détaillé de la bataille de ce jour, 15 juin de l'an 1002, ainsi que vous l'avez ordonné.

3 - Flo
D'un simple mouvement éloquent, tu fais bien comprendre à tous ceux qui te regardent que tu n'as absolument aucune idée de ce que tu fais.
Les troupes sont parties au petit matin. L'ennemi était déjà là, et nous avons aussitôt engagé le combat.
J'ai envoyé mes cavaliers à la bataille, et, comme je l'espérais, tous se montrèrent à la hauteur. Tous, sauf un. Il est sans doute la raison pour laquelle vous avez ordonné la rédaction de ce rapport.
C'est un jeune soldat lagran, dont le nom assez fleuri restera à tout jamais ancré dans ma mémoire : Romarin. Ses parents étaient éleveurs de chevaux, il m'a avoué qu'il a failli naître sur la selle d'un étalon, et que c'était sans doute pour cela qu'il était aussi doué. Doué pour chevaucher et pour cabrioler oui, mais pour le combat, c'est une autre histoire.
Je l'ai accepté dans mes rangs, croyant qu'il ferait honneur à son duché. Je l'ai vu en selle, et j'ai été très surpris par un tel talent. Je l'ai laissé entre les mains de nos aînés, priant Kern pour que ce jeune prodige devienne un combattant d'exception. J'ai été naïf.

La bataille d'aujourd'hui devait être son baptême de sang. J'étais confiant. « La victoire est à nous », disait le vieux Yves. J'ai donc donné le signal de l'attaque, et me suis élancé au côté de mes hommes.
Romarin se débrouillait bien, jusqu'au moment où il fut encerclé. Nos ennemis avaient profité de son inexpérience pour le piéger. Je me suis débarrassé de mon adversaire et je me suis hâté de le rejoindre. C'est là que je l'ai vu. On aurait dit qu'il dansait. Debout sur sa selle, donnant des coups d'épée là où il le pouvait. J'ai hurlé son nom, et quand nos regards se sont croisés, j'ai compris qu'il ne maitrisait pas du tout la situation. Il a secoué la tête, la bouche grande ouverte et les yeux exorbités. Puis il a bondi, les armes à la main, en poussant un cri strident. Son vol plané l'a mené en plein dans un attroupement où Faës et Ibéens se battaient, puis il a disparu. Occupé par la bataille, je n'ai rien pu faire. Il ne doit sa survie qu'à la bonté des dieux, loués soient-ils.

Lorsque je l'ai revu, le soir venu, il était couvert d'égratignures, et il affichait un sourire béat. J'ai été rassuré de le revoir, mais je n'ai pas manqué de le sermonner pour son comportement. Je sais que, de votre point de vue, vous avez assisté à tout, et je veux que vous sachiez que je n'ai pas formé mes hommes à faire ce genre de cabrioles. Même si ça n'a pas porté préjudice à ce jeune homme, je tiens à ce que vous sachiez que nous suivons vos ordres à la lettre. Ce genre d'incident ne se reproduira plus, soyez en assuré, et je veillerais personnellement à ce que Romarin soit éduqué à l'Art de la Guerre comme il se doit.

Avec tout mon respect,

Capitaine Johan Contrevent.