Que c'est facile pour les dragons, ils n'ont qu'à ouvrir grande leur gueule et vlan! ils lancent un puissant jet de flammes. Que dire de ces mages de l'été aussi, qui peuvent invoquer le feu, où qu'ils soient. Et il y a moi, un simple petit guerrier qui n'est jamais allé à la guerre et qui avait bien espéré ne jamais mettre les pieds sur un champ de bataille. Mais me voilà ici, alors que les batailles se sont intensifiées, que tous les effectifs viables sont réquisitionnés pour mener ce combat que l'on dirait perdu d'avance. Je sais me battre, sommairement, et on m'a montré comment parer les coups de mon adversaires. Mais voilà, je n'ai plus d'épée, alors qu'elle s'est brisée se fracassant contre l'armure de mon opposant. Il est mort, gisant au sol, par un coup de chance, alors qu'une flèche a traversé sa nuque juste au moment où il s'apprêtait à me rendre mes coups.

22 - Shark
Dans le doute, fous le feu.
Dans le doute, fous le feu ! C'est ce qu'on m'a répété, alors qu'on me donnait une lame plus lourde que toutes celles avec lesquelles je m'étais déjà entrainé. Je n'ai eu le temps que d'acquiescer, et mes questionnements sont restés sans réponse, car il était temps de foncer.

Le feu. Oui, mais comment, alors que je ne suis ni mage ni chevaucheur d'un puissant dragon. Alors que je ne traîne pas sur moi une torche enflammée ou des braises ardentes. Alors qu'autour il n'y a rien, sinon les plaines ensanglantées sur lesquelles nous dansons cette valse morbide.
Je vais mourir. Je le sais. Je l'ai su l'instant où j'ai été obligé de les suivre. J'avais cru naïvement que je trouverais le courage de bien me battre, bien me défendre. Que les vrais soldats et les vrais Chevaucheurs seraient là pour me protéger. Mais j'ai vu mes frères et mes comparses tomber et je sais que c'est ce qui m'attend.


Le feu. Je sors de ma poche une petite allumette que j'ai bien veillé à garder au sec. Alors que je la craque une toute petite flamme se met à danser et consumer le petit bout de bois. J'avais espéré ne pas devoir en arriver là, mais je m'étais préparé. Sous ma chemise et ma cuirasse, j'avais enfilé une épaisse couche de paille. Elle avait aidé à amortir les coups reçus, mais elle était là surtout en attente, prête à être embrasée. Mon coeur battait et je ne savais pas si j'allais trouver le courage nécessaire à cet acte de folie. Au moins on se souviendrait de moi, que j'osais espérer. Alors je fermai les yeux, fis le décompte depuis trois, et portai le feu à mon poitrail. Un instant je croyais que rien ne s'était passé, que j'avais même raté cela. Puis la chaleur se fait sentir, et sans même que j'arrive à prendre conscience de ce que je viens de faire, la paille s'enflamme, brûlant mes vêtements, mes cheveux, ma peau. Il ne me reste qu'à courir, tenter de faucher quiconque sur mon chemin, d'embraser mes ennemis ou à tout le moins de les effrayer.

Dans le doute, fous le feu.
Dans le doute, fous-toi en feu.