LE GENERAL - Septimus d'Acier
GABRIEL Lourde-lame - Soldat Belliférien... à moitié
Un bureau dont la fenêtre donne sur un ciel rouge qui décline doucement. Un bureau de chêne sombre recouvert de papiers occupe la majorité de l'espace. À droite de celui-ci, une table porte un lourd volume aux pages encore vierges, un encrier et une plume. Un homme est assis derrière cette table, et un autre derrière le bureau. Au centre de la pièce, un jeune soldat aux couleurs de Bellifère (GABRIEL) se tient. Il est recouvert de terre et son armure est cabossée, mais son corps semble intact.

37 - SaturdayProphet
Tu as sous-évalué l'ampleur de l'armée ennemie, tu adoptes donc l'efficace technique ancestrale de la PLS pour en réduire le nombre.
GENERAL - Bon. Reprenez depuis le début.
GABRIEL - On est arrivés par le sentier qui contourne la forêt. Il pleuvait com- des trombes d'eau, on n'y voyait pas plus loin que le bout de nos épées, et encore ! Fallait pas les tendre trop loin. Donc, moi, j'ai dit aux autres de m'attendre là, que j'allais y aller en éclaireur.
GENERAL (Dubitatif) - En éclaireur pour les éclaireurs.
GABRIEL - On est jamais trop prudent, général. On a de la boue plein les bottes, vous savez, la boue de Bellifère, là, qui ressemble quand même plus à du sang qu'à de la véritable boue. On avait l'impression de patauger dans -

GENERAL - Gabriel.
GABRIEL - Enfin bon. Je quitte le sentier, pour arriver dans la plaine, juste pour voir. Et effectivement, ils étaient là.

Une longue pause. Ils se regardent. Visiblement, chacun attend quelque chose. Dans son coin, l'homme qui note dans le grand volume semble attendre également.

GENERAL - Et ?
GABRIEL - Et ? Quoi, et ?
GENERAL (Agacé) - Vous êtes allé leur proposer des petits gâteaux ou vous avez eu l'intelligence de retourner avertir vos comparses éclaireurs de la situation ?
GABRIEL - Bah ... C'est qu'ils m'avaient vus, en fait. Du coup... J'pouvais pas retourner en arrière...

Un silence. Le général est visiblement en train de se contenir. Ou de se demander comment il a pu survivre jusque là.

GABRIEL - Mais vous en faites pas, hein ! J'avais tout prévu !
GENERAL - Ah.
GABRIEL - Sauf leur nombre.
GENERAL - Ce qui veut dire ?
GABRIEL - Vous m'avez toujours dit de pas fuir, et j'ai pas fui. Mais par contre, vous m'avez jamais dit quoi faire quand y a quinze cent gars des terres du Nord qui me foncent dessus en bavant sous une pluie torrentielle.
GENERAL - Vous battre héroïquement ?
GABRIEL (Après un temps de réflexion) - J'aurais pu faire ça.

A ce point, on dirait presque que le général veut lui envoyer son presse-papiers en forme de poney belliférien à la figure.

GABRIEL - Par contre, j'ai quand même respecté le manuel et vos enseignements ! J'ai pas tremblé, j'ai pas fui... Bon j'ai fermé les yeux...
GENERAL (visiblement énervé) - Du coup vous avez attendu la mort les yeux fermés.
GABRIEL - Ah non ! Quand même pas ! Je me suis aussi dit que quand on est aussi grands qu'eux, forcément, on ne regarde pas ses pieds ! Alors du coup, j'ai rassemblé tout mon courage et j'ai adopté la technique de la Tortue ! Mais tout seul. La Tortue Solitaire. Sans bouclier.
GENERAL - Vous vous foutez de moi, là.
GABRIEL - Bah non.
GENERAL - Vous avez fait quoi ?
GABRIEL - La Tortue Solitaire sans bouclier.
GENERAL - Donc vous vous êtes tenu debout devant quinze cents gars en attendant qu'ils vous marchent dessus.
GABRIEL - Non.
GENERAL - Non ?
GABRIEL - Bah une tortue c'est quand même près du sol. Du coup... Je me suis roulé en boule sur le sol.

Le général ne répond pas, changeant de couleur.

GABRIEL - Mais ça a marché, hein, je les ai même pas tous sentis me passer dessus.